O
triste terre
O
pauvre terre
O
pauvre mère
O
triste mère
Lorsque
mes yeux se posent sur toi cette nuit
Il
n'y a que des larmes qui en fuitent
Quel
spectacle affreux
Quel
visage piteux
Est-ce
bien toi?
Toi
que la science dit mère de tous les enfants d'Adam et de Lucy?
Toi
sur qui ils ont érigé les plus belles œuvres
Et
ont atteints le rang de chef d'œuvre?
Toi
à qui tous devraient dire merci?
Est-ce
bien toi?
Toi
qu'ils ont d'abords pillé de ses enfants
Avant
de les déposséder de toutes les richesses dont tu leurs faisaient grâce?
Toi
sur qui le monde vient déverser toute sa crasse
Après
avoir vidé tes entrailles de tous leurs diamants?
Je
ne veux pas l'admettre
Je
ne peux pas le croire
Où
est donc passée toute ta grandeur?
Qu'ont-ils
fait de ta splendeur?
De
tes rois et de tes pharaons?
Qu'ont-ils
fait de tes natives civilisations?
Chaque
jour les mêmes désolations
Chaque
nuit les mêmes tribulations
Toujours,
le soir, ces mêmes images d'horreurs
Toujours,
le matin, ces nouvelles de peur et de malheurs!
Est-ce
bien toi, ma belle Afrique?
Est-ce
bien toi qu'on insulte et qu'on étrique?
Qu'on
dupe et qu'on critique
D’être
trop naïve pour croire à la justice et l'éthique?
Oui,
c'est bien toi!
J’ai
beau me mentir
Me
dire qu'ils ne font que médire
La
honte sur ton visage ne fait que te trahir
Tu
es bien celle dont le monde ne sait que pleurer ou rire!
J’aimerais
tant que ce ne soit pas toi, m'Afrique!
J’aimerais
tant changer ton visage et ton nom
Te
rebaptiser et te parer de renoms!
Qu'enfin,
ils te considèrent avec respect m'Afrique!
Qu'ils
baissent les yeux devant le triomphe de ta progéniture
Qu'ils
ont si longtemps traité comme de la souillure
Devant
la gloire de ton futur
Qu'ils
s'écartent et saluent la pureté de ton ébène dorure
Mais
qui suis-je, moi?
Oui,
que puis-je, moi?
Avec
mes bras frêles et mon allure squelettique?
Avec
ma voix étouffée par la misère et la faim
Avec
mes yeux globuleux qu'enfin
Le
reste du monde trouve si beaux, mais si pathétiques!
Je
ne suis qu'un brin de la paille qui embrase toute la jungle
Un
grain de sable que le vent sans cesse trimbale
Un
cri douloureux, triste, long, mais humble
Parmi
les milliards qui montent de Kémit, depuis ces horribles matins de la traite
trilatérale